dimanche 24 mars 2013

The Place beyond the pines, critique

Spoilers : en raison de sa construction narrative assez particulière, il vaut mieux ne rien lire sur le film avant de s’y plonger... Néanmoins nous les avons limités.
 
                Derek Cianfrance a marqué les esprits à Sundance avec son deuxième long-métrage : Blue Valentine. La sphère cinéphile s’était alors jurée de suivre le parcours du réalisateur indépendant. Retour en force avec The Place beyond the pines. Le cinéaste garde la marque "Sundance" mais s’élève largement au dessus du genre.  Puisqu’on ne change pas une équipe qui gagne, Ryan Gosling est bien sûr au rendez-vous. Certes, il interprète un cascadeur qui décide de braquer des banques pour pouvoir transmettre de l'argent à son jeune fils et faire partie de sa vie cependant on ferait erreur en voyant ici le recyclage de la recette « Drive ». Le magnétisme de Gosling opère toujours à travers un personnage impulsif mais c'est paradoxalement son absence à l'écran qui le fera davantage vibrer.
                Le film s’articule en triptyque, nous plongeant tout d’abord dans la vie de Luke, le cascadeur /séducteur puis dans celle d'Avery Cross, un policier ambitieux confronté à des collègues véreux. La rencontre des deux hommes est déterminante, c’est là le nœud de l’histoire : deux familles, deux fils, deux destins. La dernière partie se déroulera 15 ans plus tard.
                La caméra épaule nous met dans la peau du motard, laissant son équilibre instable se révéler, les images brouillées qui nous parviennent correspondent bien au caractère excessif du héros. Ces mouvements, caractéristiques du cinéma indépendant donnent forme à la farouche indépendance de Luke. La réalisation est plus lisse quand on s’intéresse à Avery, à l'instar du personnage qui s'applique à ordonner le chaos. La cohérence narrative est de mise, différentes problématiques sont abordées mais c'est ce large ensemble qui donne sens au film. Ce panorama dans lequel s'entrechoquent les existences éveille notre sensibilité. La partie consacrée au policier voit disparaître la mélodie principale de la BO et c’est avec jubilation qu’on retrouve son magnétisme à la fin du film.



La dimension épique effleure alors nous permettant de nous élever au dessus des destins individuels ou familiaux. La force supérieure qui domine le récit n’est nulle autre que l’attraction qu’exerce sur nous la liberté. La liberté VS le besoin d’appartenir à une communauté. Luke voulait avoir un héritage et être source de transmission, c’est aussi ce que son fils cherchera, c’est paradoxalement par ce biais qu’il découvrira la route. Pourquoi tant de jubilation ? L’impression inextricable que l’existence est prédestinée, que le fatum s’abat sur les personnages s’atténue.  L’amour de la liberté et de l’indépendance, force inaliénable se profile au milieu des pins. Luke n’a pas quitté Schenectady, son fils renouera avec son destin avorté...
Le titre du film ne prend son sens qu'à partir de la redécouverte de la forêt, lieu de marge. L'exaltation à l'idée de retrouver "the place" qui pourtant semblait sinistre nous surprend. Si elle a scellé le sort de Luke et a été signe de sa perte, elle libérera son jeune fils. The "place beyond the pines" serait donc un lieu de passage qui rend savoureux le sinueux chemin pour l'atteindre.

A lire : Le réalisateur a mis beaucoup de lui-même dans ce film hors-cadre comme nous l'apprend la critique du Nouvel Observateur. "Il restait, de père en fils, une sorte de feu interne, comme si le destin nous avait mal servis."

Conclusion ? Coup de cœur pour The Place beyond the pines et son casting. La carrière de Derek Cianfrance est assurément à suivre.