jeudi 31 mars 2011

Pushing daisies la surréaliste

Cette série est totalement hors-norme, les scénaristes réactualisent le conte et nous proposent un univers étonnant. En effet il ne s'agit plus de produire du vraisemblable mais bien une narration fantaisiste, ce qui  paraît également à travers la réalisation, rencontrer la maison de pain d'épice d'Hansel et Gretel ne nous surprendrait pas. Les décors sont surréalistes,on retrouve des intérieurs surchargés, des décors "british" chez les tantes de Chuck tandis que Le "Hole pie" esquisse davantage les cafés à l'américaine. Cet univers hétéroclite est uni par des couleurs vives, la prairie verte, les pâquerettes et leur jaune flamboyant, le bleu du ciel radieux... Les personnages sont quant à eux aussi caricaturaux que touchants. Cet univers original peut déstabiliser le téléspectateur, la première fois que j'ai vu Pushing daisies, je n'ai pas accroché, je ne pouvais pas car c'était trop inhabituel, trop coloré et décalé dans un paysage audiovisuel relativement conformiste. Mais lorsque les épisodes ont été diffusés j'ai pensé : "tiens revoici cette drôle de série sur NRJ 12..." et au fil des semaines je me suis attachée aux personnages, à leurs histoires. La relation entre Chuck et Ned est vraiment surprenante, il n'en existe plus de telle à la télévision, nos deux amoureux font preuve d'exception mais est-elle réellement déceptive ? Les lèvres de Chuck que la mise en scène sait mettre en valeur semblent, à chaque instant attirer Ned mais il ne peut les toucher, ne serait-ce que les effleurer. Cette incarnation, au sens propre de l'amour est donc impossible, cela crée chez les personnages comme chez le spectateur une attente. Mais la situation est acceptée, ils en sourient et la subliment par le regard, tout simplement. Comme la caméra le montre, lorsqu'ils se croisent, le monde disparaît. Cela pourrait sembler "clichesque" (on pense aux classiques hollywoodiens tels que "Casablanca") mais cette liaison, dénuée d'un caractère érotique (c'est le destin qui éloigne le caractère sexuel de leur passion, caractère totalement absent de la série) reste enfantine et se mue dans le cercle protecteur de l'idéal, un idéal immuable.C'est pourquoi ce baiser peut-être considéré comme l'un des plus beaux de la télévision !


Les personnages principaux sont tous hors-normes, honnêtes et innocents,  ils ont gardé leur âme d'enfance. Cette fraîcheur, cette spontanéité est agréable, à contre-courant des autres productions. Les bonbons, les pâtisseries, les couleurs, cette drôle d'idée de pouvoir réveiller un mort en le touchant, cela ne vous rappelle-t-il pas la vision que vous aviez du monde étant enfant ? Le détective plus cartésien pourrait ramener à la réalité mais il n'est au final pas si différent des autres. Intéressons-nous donc à la tarte, objet omniprésent dans Pushing daisies. Ce symbole est fort et je pense que sa place centrale dans la vie de nos héros n'est pas un hasard. Elle devient en quelque sorte l'emblème de l'enfance, le moyen de lutter contre le monde adulte. Comme le narrateur le suggère souvent, Ned est serein quand il cuisine, il se sent en sécurité avec ses tartes. Or les figures parentales sont peu présentes dans la série, d'ailleurs les tantes de Chuck sont un peu inquiétantes et elles ne connaissent pas le secret de Ned, elles ne peuvent faire partie de sa vie, cette tarte ne constituerait-elle pas alors un substitut maternel ? Quand un personnage pleure on lui propose de la tarte, un usage presque cathartique ! (dans le pilote déjà, Ned évite une question gênante par "Pie time") En exagérant ce raisonnement, l'on pourrait remarquer la proximité sonore en anglais des mots die et pie, les deux spécialités du pâtissier. Il déclare en effet : "La mort, c'est mon parfum". Un vivant a besoin de manger, ainsi la tarte permettrait de lutter contre la mort, d'affirmer la vie. Et c'est ce que fait cette série, il ne s'agit pas véritablement de la mort mais plutôt de comment vivre avec elle. Chuck et Ned la connaissent bien, si bien qu'ils ne peuvent avoir une vie normale et malgré tout ils vivent, ils chantent et sont heureux, entiers.


La série est hélas trop courte, ce ton drôle et décalé construit autour de la mort ne semble pas convenir aux audiences puisque Dead like me (du même créateur, Bryan Fuller) a également été annulée après deux saisons. Les accidents ou les meurtres tous plus farfelues les uns que les autres m'ont immédiatement fait penser à celles de Georgia et des autres...

Je terminerai par une petite citation de Gaston Bachelard : "Imaginer, c’est hausser le réel d’un ton."
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9QdD3OvR6j_nXF0lwYglgHdWBgitV0ivDHUDjKgirz5d6SitxXebDIz6QDiaSefi2KjJxnN1wE2iEnKRE3Fm0syyKm_PMHLvwiFmqAdqo_5cmTR3pPI78Rfgi_wpDhR4zFiwIZtdOdQpA/s1600/pushingDaisies.jpg

2 commentaires:

  1. Encore une critique constructive et géniale de la série!
    Mais je ne suis pas d'accord avec toi sur un point. Tu dis que " les figures parentales sont peu présentes dans la série" mais je trouve qu'au contraire, elles sont bien présentes, qu'elles s'imposent à nos personnages avec force même au delà de la mort. Chuck et Ned vivent avec et à travers le souvenir de leurs parents. Ils sont tels qu'ils sont à cause d'eux et je trouve même que Ned a trouvé dans Emerson une figure paternelle forte qui remplace son père absent. Je trouve que la série est vraiment centré sur la famille. D'ailleurs, les autres séries de Bryan Fueller sont pareilles, la famille adoptive ou biologique y joue un rôle primordial. C'est le cas dans Dead Like Me où Georgia se trouve une famille avec les faucheurs après sa mort ou encore dans Wonderfalls, où Jaye va enfin apprendre à vivre avec sa famille et à l'accepter. Même son futur projet de séries se basent sur une famille (même si ce seront des monstres)!
    Voilà, c'était mon avis !

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  2. En fait, les figures parentales "normales" qui sont omniprésentes sont celles de leurs souvenirs comme tu le dis ou de leur imaginaire. Tu fais bien de souligner l'importance d'Emerson, je suis d'accord on a toujours des personnages de substitution qui jouent ce rôle, ils sont atypiques mais constituent leur lien avec le monde réel. Dans le cas de Dead like me c'est la nouvelle famille de Georgia qui lui donne des pistes pour gagner de l'argent mais je trouve qu'elle demeure relativement seule malgré ce groupe auquel elle appartient désormais. Il s'agit peut-être pour le créateur de représenter le passage de l'enfance à l'âge adulte, il doit trouver sa propre famille et faire désormais preuve d'indépendance, dans Dead like me le déchirement que cela peut représenter est très marqué même si l'héroine s'adapte de mieux en mieux à sa nouvelle vie. (mort pour être plus exacte !) Ce n'était pas le centre de la critique mais tu me donnes envie de me replonger dans les séries de Bryan Fuller et de me pencher sur cette question intéressante que tu soulèves ! Merci d'avoir partagé ton avis !

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