mercredi 9 février 2011

The Truman show

Dimanche dernier, France 4 diffusait The Truman show, un film de Peter Weir sorti en 1998 dont le rôle principal est interprété par Jim Carrey. Je ne connaissais le film que de nom mais Sebmagic et un ami qui se reconnaîtra m'ont incitée à le regarder (rappelons que Sebmagic n'a pas encore rempli sa part du marché consistant à découvrir Ken Loach avec Le Vent se lève...!) Tentons une approche du film en quatre thèmes...
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Téléréalité
The Truman show relève d'une quête impossible : accéder pleinement à l'altérité, cerner son essence au lieu de son image.

Les mouvements de caméra, les zooms suggèrent dès le début une émission de télévision,  les téléspectateurs sont dans un bar, dans leur salon ou dans leur baignoire et ils observent de façon malsaine le quotidien d'un homme. Mais d'où vient ce besoin d'observer autrui ?  Pourquoi  Truman est -il le centre d'une telle fascination ? On découvre une volonté de savoir qui est réellement l'autre, le voir en toute sincérité, découvrir une intimité inédite. En effet comment être sûr que nous pensons de la même façon, comment être sûr que l'autre nous est semblable ? Notre comportement en société est un jeu, ainsi Truman salue tous les matins les mêmes personnes sur un ton théâtral. Mais les téléspectateurs sont d'une curiosité maladive concernant son intériorité, c'est pourquoi  la scène où Truman délire dans sa salle de bain est si précieuse. Le ridicule témoigne de sa sincérité, ils sont enfin sûrs d'être semblables à lui puisqu'il se croît seul. C'est le principe du voyeurisme et d'ailleurs le film nous aide à comprendre l'engouement actuel pour la téléréalité, il s'agit à l'origine de voir évoluer des individus dans une certaine spontanéité.  Cela permettrait d'en saisir l'essence et non plus seulement l'image. Mais cela est fondamentalement impossible puisque nous jouons tous un rôle en société.  Le thème me fait penser à Acide sulfurique d'Amélie Nothomb (Le cadre du roman était un camp de concentration qui servait de décor à une émission de télé-réalité) où toutefois l'accent était mis sur la folie des hommes.  Pour véritablement lier les deux œuvres, il aurait fallu que Truman meurt sur le bateau.
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Dieu
The Truman show relève d'une utopie humaine où l'homme pourrait se substituer à Dieu et créer un monde parfait.

Intéressons-nous maintenant au créateur du Truman show. Il s'agit de créer un monde parfait où la pelouse est bien tondue, où les voisins se disent bonjour tous les matins, une petite ville de play-mobile.  Chaque individu est un jouet positionné par le créateur de l'émission, on ne construit plus du rêve à partir de la réalité mais du réel à partir d'une utopie. Ainsi  l'illusion et la vérité se mêlent, le scénariste construit de la vie tel Dieu.
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Tous les clichés de notre représentation d'un être supérieur sont d'ailleurs présents dans le film, de la voix qui surgit du ciel à l'entité omnisciente perchée dans les nuages ou l'univers. (le fond du studio représentait d'ailleurs la lune) On découvre rapidement que ce monde idyllique ne peut être véritable, les serveuses du bar correspondent à un monde bien plus probable. Ce monde parfait est sécurisant mais il n'est pas souhaitable, tout homme doit éprouver du désir pour vivre. Ainsi Truman s'y sent incomplet. Le monde réel comporte bien du mensonge et autres turpitudes mais la figure de Maria se révèle comme une terre promise qui justifie les sacrifices. Pour y accéder il faut accepter la l'obscurité de notre société.
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 L'eau
The Truman show symbolise le passage de l'enfance au monde adulte.
Le symbole de l'eau est omniprésent, on le trouve à chaque fois que Truman tente de s'évader de l'île. Comme c'est le cas des mythes anciens au monde récent, elle constitue un lieu de passage vers un autre monde, un espace intermédiaire entre un univers merveilleux,  imaginaire et un autre plus réel. Il est intéressant de constater qu'on ne perçoit que peu ce dernier, il semble ainsi mis à distance, inatteignable. Tout le long du film la quête de liberté anime Truman, il en a désespérément besoin, les Fidji brillent à l'horizon, elles sont sa raison de vivre. Nous avons tous besoin d'un but, d'une lumière qui nous guide et nous motive. Pour Truman il s'agit de rompre la monotonie, de s'évader du quotidien et de réussir enfin à affronter le changement. La peur l'effraie, le paralyse mais la fin nous délivre une lueur d'espoir. Nous ne sommes pas totalement emprisonnés dans notre vie, il est possible de changer au prix de sacrifices considérables.  Effectivement, il semble que reconstruire passe déjà par la destruction . Lors de l'orage en mer, on pense que Truman est mort, étendu sur son voilier il est mort en quelque sorte. Lorsqu'il se heurte contre les parois de son monde, il réalise qu'il existe un espace plus vaste, que tout ce en quoi il croît était un mensonge.  Tout s'effondre pour se reconstruire sur une autre réalité, cela symbolise le passage de l'enfance à l'adolescence. Truman surmonte ses angoisses, Truman perd sa naïveté,  Truman grandit. Il éprouve son libre arbitre avec la scène du rond-point, il peut choisir, il peut changer d'avis, il peut être irraisonnable, faire des erreurs. En une phrase, il est libre et responsable. Peut-être que sortir de son monde est une erreur mais pour la première fois de sa vie, il fait un choix et l'assume avec brio.
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L'Homme et la réalité
The Truman show, une réflexion profonde sur notre relation au monde.

On distingue également une réflexion sur l'être humain, nous sommes tous égocentriques,  on s'inquiète du moindre signe  d'hostilité, du moindre regard, comme si l'univers s'orchestrait entièrement pour notre vie et nous envoyait des signes. Cela rejoint également une interrogation : comment savoir si nous appartenons à la réalité ? Nous n'avons pas de référent autre que notre propre perception subjective. On ignore si l'autre possède la même vision du monde. D'après Berkeley, on ne peut par exemple pas être sûr qu'une cerise existe car elle n'est présente que par les sensations qu'elle nous procure : goût, aspect, couleur, etc. , notions évidemment dépendantes de notre subjectivité. Il n'existerait donc pas de réalité qui nous soit externe. Ces messages nous sont peut-être envoyés directement par un être supérieur, ils n'attestent donc pas de la réalité d'une chose. Or dans The Truman show, cet être supérieur est le créateur de l'émission, ce personnage trompeur peut faire croire à une certaine réalité.
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Pour terminer, je citerai une des premières phrases du film "Il n'y a rien de faux, tout est réel." Cela induit une réflexion sur le cinéma lui-même. Le producteur de l'émission le dit d'ailleurs à la fin, son monde (le notre) n'est pas si différent. Le mensonge y est autant, voire davantage présent que sur l'île car on ne peut pas accéder à une vérité fondamentale du monde. Dans un sens le cinéma, plus généralement l'art le permettrait davantage que la réalité.

Mon avis :

The Truman show est un film bouleversant qui nous apporte une réflexion philosophique sur l'homme teintée de psychologie. Jim Carrey, fantastique entre en harmonie avec la réalisation, les jeux entre son personnage et la caméra donnent forme au thème de fond : les rapports humains. The Truman show est certainement un des meilleurs films des années 90. Mention spéciale pour la BO de Philip Glass, une très grande réussite qui laissera pour toujours en nous une trace de Truman...

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